Trois questions à… Frédérique Coeuille (Valeo) : « Vers de belles ruptures technologiques pour répondre aux défis du CO2 et de la réglementation »
- Bertrand Gay
- 10 oct. 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 févr.

Directrice de la R&D des Matériaux du groupe Valeo, Frédérique Coeuille détaille la feuille de route innovation et technologies que déroulent les 150 chercheurs, ingénieurs et techniciens qui travaillent sur ce sujet.
Quels sont les enjeux liés aux matériaux chez Valeo ?
Frédérique Coeuille : Au cours des cinq dernières années, Valeo a connu beaucoup de changements. Le tournant de l’électrification des véhicules a mis en avant deux autres sujets que sont la nécessité d’alléger ainsi que les enjeux liés au CO2 et à la réglementation. Celle-ci demande notamment l’utilisation de 25 % de matières plastiques recyclées en 2030 dont 25 % en « close loop ». Nous nous sommes concentrés sur ces deux enjeux.
Avez-vous identifié des difficultés particulières ?
F.C. : Je parlerai plutôt de défis liés à la réglementation. Celle concernant les PFAS nous amène au cours des prochaines années à remplacer ces composés par de nouveaux matériaux. Nous devons être prêts pour ces échéances. Par ailleurs, nous devons développer des process qui permettent de récupérer de plus en plus de matière en fin de vie pour alimenter la filière du recyclage. Nous nous intéressons également aux fibres naturelles. De manière générale, nous ne sommes pas contraints par les volumes disponibles, il faut savoir utiliser les déchets.
Et ce, tout en limitant les émissions de gaz à effet de serre ?
F.C. : Oui absolument, toutes ces actions s’inscrivent dans le cadre plus large de la réduction de l’empreinte carbone. Cette démarche est évidemment non négociable. Dans ce domaine, il n’y a pas de petits gains. Il faut aller au plus simple, au plus facile et le faire maintenant. En parallèle, nous développons également de futures ruptures technologiques majeures.
Comment s’organise l’activité que vous dirigez ?
F.C. : Le département ingénierie et R&D des matériaux se trouve en amont des branches du groupe. Nous sommes implantés dans le monde entier avec environ 150 personnes. Notre centre de R&D référent se trouve à La Verrière et il compte 40 personnes. Nous travaillons avec des centres de recherche, des écoles, des universités, des start-ups ainsi qu’avec les fabricants de matériaux, les constructeurs et mêmes certains de nos concurrents.
Nos travaux sont destinés à Valeo de manière préférentielle mais, le cas échéant, ils peuvent être transférés et utilisés par d’autres entreprises.
Propos recueillis par Bertrand Gay
Comment Valeo désire accélérer dans le domaine des composites. Discrètement, depuis quelques années, Valeo produit des pièces en matériaux composites. Dès le milieu de la précédente décennie, une Honda produite aux Etats-Unis était dotée d’une traverse avant en matériau composite et, depuis 2020, les Mercedes GLE et GLS produites aux Etats-Unis et en Europe sont dotées d’une telle pièce. Pour celle-ci, Valeo a développé un matériau dénommé Organosheet : il s’agit d’un composite thermoplastique pré imprégné de résine de fibre de verre. « Il s’agit, précise Valérie Brusseau, directrice R&D bloc avant et structures en composites chez Valeo, de la solution la plus légère du marché. Elle offre un gain de masse de 30 % par-rapport à la meilleure solution acier ». Par ailleurs, les aciéristes prédisent une pénurie de production pour ces aciers bas carbone au cours des prochaines années.
Née avec les traverses avant en lien avec les systèmes thermiques, cette idée du remplacement de pièces en acier par des composites peut convenir pour d’autres applications dans le véhicule pour applications telles la structure de caisse ou les bacs batteries. Sur le véhicule, le gain de poids offre une baisse de la consommation énergétique tandis que le process de production est bien moins émetteur de CO2 que celui nécessaire pour des pièces en acier.
Fort de ce premier pas, Valeo prépare l’étape suivante en remplaçant la fibre de verre par du lin ou du chanvre. Le procédé de production reste le même : Les couches de fibres dont l’orientation permet d’obtenir les caractéristiques désirées et les pré-imprégnés sont disposés dans le moule. A performances identiques, la masse de la pièce est réduite de 10 % par rapport à l’actuelle solution fibre de verre.
Bertrand Gay