Pourquoi la réindustrialisation de la France sera longue et difficile
- Bertrand Gay
- 26 mars
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 avr.
Les récentes annonces Présidentielles et gouvernementales sur l'industrie de la Défense nous ont offert de nouveaux exemples de la déconnexion entre les annonces faites devant un pupitre et la réalité industrielle sur le terrain.
Anecdotes et expériences sont évidemment nombreux dans le secteur automobile où selon un industriel "il nous faut attendre 12 mois rien que pour l'enquête de bio diversité en France alors qu'une usine se met en place en 15 mois aux Etats-Unis ou en Asie". Bref, la réactivité n'est pas là et l'exemple du projet EMME en Gironde l'illustre bien.

Pôle industriel et d'expertises en chimie minérale, EMME se veut à la fois une usine de conversion, un terminal portuaire et logistique, un laboratoire en science des matériaux et en génie du procédé. Il regroupe les meilleurs experts internationaux du domaine et dote la France d’une technologie et d’un savoir-faire industriel stratégiques. Sa mission vise à sécuriser dès 2028 un volume industriel de nickel et de cobalt de qualité, avec la plus faible empreinte carbone du marché et avec une part croissante de produits recyclés au bénéfice des acteurs européens de la mobilité durable. Ce projet représentera un programme d’environ 500 millions d'euros sur la période de construction (2026-2027) et génèrera plus de 500 emplois, dont 200 directs sur le site de production. Il renforce la souveraineté industrielle de la France et de l'Europe, tout en contribuant à décarboner massivement l’économie des transports.
La société EMME, dont le projet remonte à 2023, vient de lancer le 24 mars dernier une phase de concertation placée sous l'égide de la CNDP, la Commission Nationale du Débat Public. L'objectif est louable : il s'agit d'apporter réponses et éléments factuels autour de ce projet qui, rappelons le dispose de toutes les autorisations nationales, régionales, départementales, municipales et tant pis si j'en oublie !
Que vient faire la CNDP dans cette histoire ? Cette entité se présente et justifie son existence de la manière suivante :
"Chacune et chacun a le pouvoir de peser sur les projets et les politiques concernant notre environnement. La Constitution vous reconnaît le droit d’être informés et de participer à ces décisions, et nous en sommes les défenseurs neutres et indépendants. La CNDP est garante de votre droit à participer librement aux débats et à être écoutés des décideurs. Parce que l'environnement appartient à toutes et tous, les bonnes décisions sont celles qui sont partagées. Nous nous engageons à ce que toute personne, toute parole, ait une place égale dans le débat. Nous sommes l'institution publique qui éclaire les décideurs en donnant du pouvoir à votre parole". Au moins, notons une bonne nouvelle sur la forme, nous échappons aux ravages de l'écriture inclusive, mais le fond reste préoccupant.
En effet, n'importe quel citoyen, voire groupe de pression, même avec une faible culture scientifique, peut faire valoir son opinion sur des sujets à haute technologie et espérer influer sur les décisions d'implantation ou la nature des process mis en place; N'est ce pas quelque peu redondant avec études menées et les dizaines d'autorisations déjà obtenues en amont auprès des différentes strates administratives ?
Citons pour mémoire, les 160 pages du rapport de l'étude de diagnostic écologique menée par le Port de Bordeaux (février 2023), les 117 pages du rapport de diagnostic des sols (octobre 2024), les 41 pages concernant la prise en compte du risque inondation du terminal portuaire, sans oublier une belle fiche technique relative aux enjeux environnementaux détaillant notamment le devenir des poissons, des amphibiens, des reptiles, des oiseaux, des mammifères et des chiroptères concernés.
Heureusement que le calendrier de démarrage du projet vise 2028, nous avons donc tout le temps de compter les grenouilles et les chauves-souris et d'en débattre.
Plus sérieusement, rappelons que l'unité industrielle pourra, dès 2028, convertir 20 000 tonnes de nickel et 1 500 tonnes de cobalt par an, ce qui en fera l’un des premiers sites spécialisés dans les applications batteries en Europe et en France. Dans un second temps, il pourra faire l’objet d’expansions futures, notamment en proposant de convertir les matériaux recyclés des batteries ou les scraps d’usines de batteries. Cela permettra de réduire la dépendance dans le domaine des matériaux critiques.
Bertrand Gay